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JO : décryptage de compte rendu

samedi 20 mars 2004

Le compte rendu de la réunion du 5 mars SACI-préfet décrypté par une équipe de syndicalistes à l’esprit mauvais.

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Le compte rendu de cette réunion est pour le moins inquiétant. Derrière les habituelles protestations de sincérité et les précautions oratoires visant à éluder les problèmes, le discours du préfet n'incite guère à l'optimisme.

Précisons que le compte rendu qui sert de base à ce décryptage n'est pas le fruit de la volonté mal intentionnée de syndicalistes fouteurs de merde : il a été visé par le préfet en personne. Il est vrai que, à propos du compte rendu de la réunion avec le SGG, il parle du "problème lié à l'interprétation des comptes rendus". C'est sûr, les travailleurs sont méchants et interprètent tout mal.

Enfin, le principal, c'est que le préfet précise : " je suis d'accord avec ce que j'ai dit": au moins quelque chose de sûr !

I- Le préfet, partenaire social d'exception

1) Le préfet et le SGG

La première intervention du préfet est on ne peut plus limpide : "Je suis en totale conformité avec ses [celles du SGG] propres analyses et sa propre vision du problème".

Ca se complique par la suite, puisque le préfet est également en parfaite adéquation avec les syndicats : "je suis complètement d'accord", "mon état d'esprit semble très proche de celui dont a fait preuve l'organisation syndicale ce matin"... Pourtant, certains représentants de l'organisation syndicale en question ne cachent pas leur désaccord profond avec le SGG, qui ne voile guère son intention de liquider le système de production actuel (faire partir les plus de 50 ans et les 30-40 ans, comme le rappelle un secrétaire roto, peut difficilement être interprété comme ouvrir des perspectives d'avenir à la boîte !).

Alors, talent naturel pour le grand écart ? Mais non ! Ce sont les ouvriers qui n'ont rien compris aux propos du SGG, tout simplement : "je le dis parce que cette question a été très mal comprise", "malentendus", "il ne faut pas que les gens s'inquiètent inutilement", "je ne peux pas laisser passer de tels propos, M. Sauvé [SGG] ayant dit exactement le contraire"...

2) Le préfet et les ouvriers

Le premier souci du préfet et de l'Etat : les ouvriers :
"Il faut tenir compte de la dignité des personnes. Je ne veux pas payer des gens à ne rien faire, ce serait indigne."
"Faut-il dénoncer les marchés en cours pour quelques mois alors que la signature de l'Etat est engagée et que cela risque d'entraîner le licenciement de plusieurs dizaines d'ouvriers immédiatement."
"[la réforme] s'applique à des hommes et à des femmes avec lesquels nous avons des années d'habitude de travail, pour lesquels l'Etat a de l'estime et de la considération"

3) Le préfet et les syndicats

Avec les représentants des syndicats, le préfet joue d'une bonne dose de lèche : "j'espère qu'il n'y aura aucun tabou. C'est d'ailleurs dans le style de l'organisation syndicale que vous représentez" tout en se foutant de leur gueule : "il faudra le dire en présence des représentants, que l'organisation [syndicale] n'acceptera pas de discuter du dépérissement progressif du papier".

Par ailleurs, pour lui, les syndicats doivent fermer leur gueule, dire amen et lui manger dans la main : quand ils ne sont pas d'accord, ils "compliquent les choses".

Compréhensif, il leur laisse une certaine marge de manoeuvre pour ne pas heurter leur base : "Je ne demande pas de signature mais un engagement responsable". Car accepter sa volonté, c'est bien sûr faire preuve de "responsabilité" !

Et il pousse la suffisance jusqu'à prescrire à l'organisation syndicale ce qu'elle doit faire ! "Je n'aime pas trop qu'on dise qu'il y a des points qu'on ne peut pas discuter. [...] Vous allez tenir une assemblée générale, imaginez-vous dire que le directeur ait dit qu'on ne peut pas discuter. Ce ne serait pas bon."

Le préfet affirme : "pas de tabou". On peut parler de tout, et on le souhaite ! Pourtant, à la question d'un photograveur : "J'aurais aimé fortement vous entendre sur Ort", il élude "Je ne souhaite pas entrer dans le détail." Décidément, les pue-la-sueur, on leur donne ça ils prennent ça ! Un peu de délicatesse, allons ! parlons de tout, mais pas des sujets qui fâchent !

II- Les sujets qui fâchent

1) Caisse des pensions

Le traitement de la Caisse des pensions est un chef d'oeuvre : d'abord, il souligne l'inquiétude des salariés à ce propos : "le problème qui les préoccupe le plus [...] c'est la caisse des pensions", "la retraite concerne tout le monde et c'est donc une préoccupation essentielle et prioritaire". Ensuite, il dit : "les réformes vident à modifier assez sensiblement un certain nombre de ces régimes [régimes spéciaux de retraite]".

Panique à bord, mais après le bâton, la carotte : "Si vous êtes d'accord [...] nous pouvons nous battre ensemble pour que la réforme du régime de la caisse des pensions [...] soit le plus proche possible du régime actuel." Evidemment, cela suppose des compensations.... "Mon argument est que nous pouvons être exemplaires en faisant des économies ailleurs, c'est-à-dire sur les recrutements."

En clair ? On vous laisse partir en retraite tranquille, mais vous nous laissez liquider la boîte, ce qui est confirmé à la fin de la réunion : "chacun sait que les effectifs ne seront plus ce qu'ils sont aujourd'hui. Je demande [...] un engagement responsable [...] pour dire au ministère du Budget : voilà la responsabilité de mes interlocuteurs. Je demande donc pour le dossier caisse des pensions, que les représentants du personnel agissent de façon favorable au personnel."

Tentant pour les camarades proches de la retraite... mais attention à la carotte pourrie : "bien que je ne sois pas en mesure de vous donner des garanties absolues sur le résultat des négociations"...

2) La convention Etat-SACI

Pour la convention qui lie l'Etat à la SACI, ils aimeraient bien s'en débarrasser. Mais "ça n'est plus une priorité".

Pourquoi diable ? La réponse revient à plusieurs reprises dans le compte rendu : les négociations en cours au niveau régional avec le SPP, en particulier l'accord cadre signé en février, répond à leurs préoccupations : la convention qui lie l'Etat à la SACI est gênante entre autre parce qu'elle garantit l'application de la convention colective des ouvriers de la presse parisienne, et la protection des effectifs. Mais comme l'accord-cadre régional l'envisage, ce n'est plus un obstacle : "En ce qui concerne les processus de formation permanente et la mobilité de certains personnels, en ce qui concerne les souhaits éventuels de négociations pour les départs anticipés [...] je ne crois pas que ce serait très différent de ce qui est précisé dans l'accord cadre presse parisienne que votre organisation a signé" .

III- Perspectives d'avenir

1) Réinternalisation et nouveaux travaux

Le préfet affirme qu'il s'agit d'envisager l'avenir des JO et non sa liquidation. Soit. Au niveau de la charge de travail, puisqu'il s'agit du coeur de l'avenir des JO comme outil de production, le préfet souligne qu'il y a deux pistes : la réinternalisation et la recherche de nouveaux marchés.

Puis, emporté par son élan, il démonte ensuite les deux possibilités : la réinternalisation, ça sert à rien, ça concerne des travaux qui vont disparaître : "cela ne résoudrait pas le problème de la SACI au-delà de quelques mois". Quant à chercher de nouvelles pistes : " l'Imprimerie nationale constitue pour nous une impasse" ; la Documentation française : "le sujet n'est pas simple" ; "la circulaire Jospin de 1999 sur les rapports entre l'Edition publique et l'Edition privée [...] limite les possibilités d'édition".

Sympa, il propose cependant un groupe de travail sur le sujet, que "je suis prêt à diriger moi-même". Trop bon. Mais on peut se demander s'il ne s'agit pas surtout d'endormir le bon peuple, puisqu'il vient de démontrer que, selon lui, il n'y a rien à faire !

2) Licenciements ou plans sociaux ?

"Je répète [...] il n'y aura, dans cette maison, aucun licenciement."

Il a le sens de l'humour, puisque l'essentiel de son discours est basé sur le blocage conservatoire des recrutements (en remplacement des départs en CAATS), sur l'évocation de possibles plans sociaux, reclassement, sur le discours préalable du SGG de favoriser le départ des plus de 50 ans et des 30-40 ans (plans sociaux, aides au départ) !

Alors, l'avenir des JO selon le préfet ? En dépit des bonnes paroles rassurantes, aucun. Comme le remarque un délégué roto, s'il s'agissait d'avenir le coeur de la discussion porterait sur la charge de travail. Or, l'épicentre en est la baisse des effectifs, sous différentes formes. On n'envisage pas l'avenir d'une boîte en la liquidant. Et c'est bien de liquidation qu'il s'agit aujourd'hui dans la tête du préfet comme dans celle de son commanditaire, le SGG.