Mouton 2.0, histoire d’une résistance paysanne
Pour celles et ceux qui n’auraient pas encore pu voir le documentaire Mouton 2.0, la puce à l’oreille lors d’une projection publique, il est désormais téléchargeable en ligne (cf. lien ci-dessous).
Une nouvelle menace d’obligation plane sur les éleveurs d’ovins de l’Hexagone : le puçage de l’ensemble de leurs troupeaux. Au nom de quoi ? De l’efficacité, de la « traçabilité », de la «sécurité alimentaire », et autres arguments massues de la sorte. Alors ça en fait rire (jaune) plus d’un. Parce que ces histoires de « sécurité » et de « traçabilité », après les épisodes de la vache folle et des steaks de bœuf au cheval, ça laisse quand même un peu songeur…
Deux visions du métier…
Les éleveurs traditionnels, c’est-à-dire ceux qui exercent « à l’ancienne », soit qui sont présents au milieu de leurs troupeaux, qui connaissent leurs bêtes individuellement, qui passent du temps avec elles, qui les emmènent paître dans les estives à la belle saison, quand l’herbe est bien grasse et abondante (entretenant par ailleurs ainsi la montagne qui n’aurait pas vraiment la même tête sans leur présence laborieuse), savent qu’ils élèvent correctement leurs animaux, ce qu’ils mangent, s’ils sont malades et comment ils sont soignés. En vendant directement la viande issue de leurs bercails à des consommateurs locaux, on ne voit pas bien l’intérêt de «tracer », qui plus est électroniquement, des moutons dont on connaît l’origine et dont la façon dont le berger ou la bergère (et non les « producteurs de viande ») est également connue (et plébiscitée). Mais cela est différent pour les éleveurs industriels, qui ont fait le choix de la production de masse et dont les animaux ne sont que des gigots sur pattes, nourris «scientifiquement » par des granulés pesés au gramme près et qui ne voient pas (ou si peu) la lumière du jour sans parler des verts pâturages dont se repaissaient leurs ancêtres….
pour deux visions du monde
Ce procédé, finalement fort récent dans l’histoire de l’humanité et de l’élevage, ne peut fonctionner qu’en faisant appel à des formules basées sur le recours à la technologie, aux sciences, à la rationalité, et faisant des animaux de simples machines à produire (du lait, de la viande, des œufs…). Et pour que ces élevages soient le plus rentables (financièrement) possible, il n’y a d’autres solutions que d’avoir des cheptels très nombreux et de les installer dans des bâtiments de type concentrationnaires qui les dénaturent et entraînent une multitude de problèmes sanitaires réglés à coups d’antibiotiques et autres hormones insoupçonnées, le tout mis au point dans des laboratoires dont le seul but est bien sûr le progrès et le bien-être de tous. Dans des images d’archives qui jalonnent le documentaire, on voit un journaliste s’inquiéter de cette nécessité totalitaire et pose la question à l’un de ses défenseurs de savoir si un tel processus ne pourrait pas à terme être aussi imposé aux sociétés humaines et non seulement animales. Il donne même un exemple au cas où son cheminement n’aurait pas été assez clair : si Hitler était resté plus longtemps au pouvoir, n’aurait-il pas réussi, grâce aux procédés pratiqués dans ce type d’élevage, à mener à bien sa sinistre entreprise ? Et le grand défenseur du progrès de l’admettre… tout en l’écartant sous de fallacieuses et fort peu convaincantes explications alambiquées. Mais la morale de l’histoire s’impose néanmoins : ce qui est imposé aux animaux sera finalement imposé aux humains, la domination restant le but ultime au service de l’industrie et du pouvoir.
Mari Otxandi, CNT Culture Aquitaine
( article paru dans Le Combat Syndicaliste de septembre 2013 – version pdf ici )
Mouton 2.0, la puce à l’oreille
Un film d’Antoine Costa et Florian Pourchi, 2012, 77 minutes
À commander (en soutien) ou à télécharger sur le site :
http://synaps-audiovisuel.fr/mouton/