Extrait du site internet de ZEP :
Le rappeur Saïdou du groupe Z.E.P (Zone d’Expression Populaire) et le sociologue et militant Saïd Bouamama ont été mis en examen pour « injure publique » et « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » sur une plainte de l’AGRIF, un groupe d’extrême droite nostalgique de l’Algérie française. En cause, un ouvrage et une chanson du même nom, « Nique la France », qui assène en refrain : « Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes / Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes ». Comme des millions de gens à travers le globe ces dernières années, les deux auteurs ont attaqué le colonialisme et le système capitaliste et impérialiste. Comme beaucoup d’entre nous ils dénoncent une idéologie toujours très en vogue : le racisme, sous ses formes les plus courantes mais aussi les plus décomplexées. Comme de nombreux habitants des quartiers populaires, ils ont crié leur colère contre les inégalités, les discriminations et la justice à double vitesse. S’inscrivant dans une longue tradition pamphlétaire des artistes engagés en France contre l’État français, du « nation de porcs et de chiens » d’André Breton à « le temps que j’baise ma marseillaise » de Léo Ferré en passant par le « je conchie l’armée française » d’Aragon ou le « votre République, moi j’ la tringle » de Renaud, Saïdou et Saïd Bouamama ont choisi d’assumer leur « devoir d’insolence » afin d’interpeller et de faire entendre des opinions qui ont peu droit de cité au sein des grands canaux de diffusion médiatique. Mais voilà, cela dépasse, choque et insupporte qu’une telle parole puisse être portée, d’autant plus quand elle l’est par ceux qui subissent en premier lieu les politiques racistes et antisociales. Lorsque des Noirs ou des arabes font le choix de sortir de l’invisibilité et du mutisme afin de décrire la réalité telle qu’elle est – violente, inégale et destructrice – la droite extrême, l’extrême droite ou encore l’État s’emploient à tenter de convaincre l’opinion publique de l’illégitimité de ces discours. NTM, Sniper, Ministère AMER, Mr R, La Rumeur, Youssoupha ou Houria Bouteldja sont autant de rappeurs et militants attaqués ces dernières années pour des paroles jugées trop irrévérencieuses. Pourtant tous n’ont fait que porter publiquement l’expression populaire du rejet des discriminations et de la stigmatisation des quartiers populaires, des Noirs, arabes et musulmans. En signant cette pétition, nous exigeons que les poursuites contre Saïdou et Saïd Bouamama soient abandonnées. D’accord ou pas d’accord avec les propos et les formulations incriminés, nous défendons leur droit de les tenir. L’extrême droite veut interdire le droit de chanter la révolte, imposons le droit de l’exprimer sans entraves.
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Le clip vidéo de la chanson incriminée :
Durée : 00:04:39
Note du secteur vidéo CNT :
Notre solidarité vis à vis de Saïdou et et S. Bouamama est pleine et entière. Qu’ils nous permettent néanmoins une remarque concernant certaines paroles de leur chanson (c’est valable aussi pour les citations figurant dans le texte de la pétition – cf. les extraits des chansons de Ferré et Renaud). Cette remarque n’a rien à voir avec les opinions antiracistes, antinationalistes et anticolonialistes professées, opinions que nous partageons. Cette remarque porte sur les termes à connotation sexuelle utilisés pour attaquer un adversaire politique ou de classe. Certes, il n’y a – ni dans le texte de la chanson ni dans celui de la pétition – d’insultes du style « pédé » ou « enculé » (comme c’est malheureusement parfois le cas dans les propos de certains militants du mouvement social). Par contre, le terme « chochotte » est présent dans la chanson. Or, ce terme est ambigu car, par extension, il est souvent associé aux homosexuels ainsi qu’aux personnes dites « efféminées ». Quant au fait de « niquer », de « baiser » ou de « tringler » un tel ou une telle, cela renvoie à une conception dominatrice de la sexualité, conception que nous condamnons. Bien sûr, dans le langage populaire, ces termes sont souvent utilisés sans que cela soit connoté (consciemment ou inconsciemment) dans le sens que nous critiquons ci-dessus. En l’occurrence, loin de nous l’idée de taxer Saïdou et S. Bouamama de sexisme ou d’homophobie ! Mais, pour que les choses soient claires, nous tenions quand même à faire cette remarque…