Les 4 et 5 février 2000, en partenariat avec le cinéma « Le Méliès » de Villeneuve d’Ascq (Nord) et le cinéma « Les étoiles » de Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais), l’union régionale des syndicats CNT du Nord Pas-de-Calais a organisé la projection en avant-première de « Charbons ardents », film de Jean-Michel Carré.
« Charbons ardents » emmène le spectateur à la rencontre des 400 mineurs de Tower Colliery qui ont racheté leur mine en 1994 et l’autogèrent depuis cette date. Tower Colliery est la plus ancienne mine de charbon du Royaume-Uni (et peut-être du monde). Elle est située près du village de Hirwaun, au nord de la ville d’Aberdare dans la Cynon Valley (sud du Pays de
Galles).
Les mineurs de Tower Colliery sont pour la plupart des militants syndicaux qui menèrent les grandes luttes des années 1980 contre le « thatcherisme » triomphant. Par conséquent, c’est la perspective du chômage dans une région particulièrement sinistrée et non la volonté de créer un phalanstère qui motiva le rachat de la mine et son autogestion. Malgré sa particularité, la mine de Tower est une entreprise privée à but lucratif. Bien qu’autogérée par ses salariés actionnaires, elle l’est dans une optique de rendement et de profits. La division du travail y subsiste ainsi que les disparités salariales. Pour couronner le tout, les mineurs gallois ont reçu les éloges tant de la droite (qui voyait là l’application de son soit-disant « capitalisme populaire ») que de la gauche britannique (pour qui l’expérience était un moyen de dépasser la lutte des classes et permettait de flatter le peu qui leur restait de fibre socialiste).
Pourquoi alors la CNT du Nord Pas-de-Calais a-t-elle décidé de promouvoir une entreprise qui pourrait finalement faire la couverture d’un magazine patronal pour sa réussite économique, produisant du charbon sans subventions et le vendant au prix du marché mondial en restant compétitive ? La rencontre avec les mineurs, à l’issue de la projection, a permis d’aborder cette question. Promoteur de l’autogestion, la CNT est consciente des limitesde l’autogestion dans le cadre de la société capitaliste. Pourtant, l’expérience menée là-bas est d’une grande richesse et a le mérite de remettre au goût du jour la gestion ouvrière (avec – et le film ne le tait pas – la difficulté d’impliquer l’ensemble des travailleurs). De plus, les bénéfices sont investis dans l’amélioration des conditions de travail, dans les œuvres sociales de la région et dans des opérations de solidarité (avec les mouvements de chômeurs, antiracistes, antifascistes, etc.). Si la hiérarchie salariale y est maintenue, c’est de par la difficulté d’associer au projet le personnel qualifié et diplômé (ingénieurs, géologues, etc.).
Même si la CNT 59 / 62 ne va jusqu’à dire comme les mineurs : « Nous avons piégé le système capitaliste en appliquant ses règles à notre façon », elle souscrit aux propos du président de la mine, Tyrone O’Sullivan (qui était présent lors des deux projection-débats) : « Nous démontrons au monde entier que les ouvriers sont capables de prendre en mains leurs propres affaires et que le socialisme peut fonctionner ».